Nos partenaires internationaux reviennent sur les initiatives prises en matière de numérique face à l’épidémie de covid-19

Par équipe éditoriale de l’Incubateur

Le 10 juin 2020, les partenaires internationaux de l’Incubateur se sont réunis pour faire le point sur les initiatives prises par leurs barreaux et leurs incubateurs face à la l’épidémie de covid-19. Certains ont accepté de nous livrer quelques éléments par écrit. Merci à eux pour ce journal du tournant numérique par temps de pandémie.

 

BORDEAUX

Sylvie Bourdens, Avocate au Barreau de Bordeaux, Membre du Conseil de l’Ordre, Membre de l’Incubateur du Barreau de Bordeaux

Les échanges que nous avons eus dans le cadre de la réunion du 10 juin 2020 des partenaires de l’Incubateur européen du barreau de Bruxelles ont permis de mettre en évidence la similitude des problèmes rencontrés par les Barreaux pendant la crise sanitaire liés principalement à la poursuite de l’activité judiciaire et de l’activité de nos cabinets.

L’activité judiciaire s’est en effet trouvée fortement ralentie voire quasiment à l’arrêt avec la suppression de toutes les audiences hormis pour les contentieux mettant en jeu la liberté.

Le confinement et cette crise sans précédent ont permis de relever l’inadaptation de la justice aux nouvelles technologies et au numérique.

Il a ainsi fallu, à titre d’exemple, plusieurs semaines pour mettre en place une procédure de dépôt de dossiers sans audience devant les juridictions judiciaires.

Cette crise a également mis en exergue la nécessité de digitaliser les cabinets.

Les confrères se sont retrouvés contraints, dans l’urgence, d’adapter leurs outils de travail et de communication afin de pouvoir maintenir un minimum d’activité.

Le Barreau de Bordeaux, et plus précisément, le Conseil de l’ordre et les différents Instituts du Barreau ( Institut du droit des personnes et du patrimoine, Institut du droit social, Institut du droit des affaires, le centre de recherche, d’information et de consultation sur les droits de l’enfant…) se sont fortement mobilisés pour venir en aide aux confrères et aux justiciables.

Dès les premiers jours qui ont suivi le confinement, une grande opération de communication a été menée par le Barreau de Bordeaux que cela soit sur les réseaux sociaux (twitter, Facebook, LindIn) ou dans la presse locale pour faire savoir aux justiciables que les cabinets d’avocats poursuivaient leur activité.

Des permanences gratuites par mail ou par téléphone (avec droit de suite pour les confrères) ont été mises en place pour répondre aux questions des justiciables dans les domaines les plus impactés par le Convid-19 : en droit du travail et en droit des entreprises mais également en droit de la famille et de la vie courante (logement…).

Des webinaires ont été mis en place conjointement avec la Chambre du commerce et de l’Industrie à destination des entreprises.

Le confinement ayant par ailleurs majoré le risque de violences intra-familiale, une permanence téléphonique 24/24 et 7/7 a été mise en place.

Un soutien a également été apporté aux confrères par le biais d’une large communication des différentes aides mises en place et des différents leviers financiers pouvant être actionnés pour soutenir financièrement les cabinets.

De même, une cellule d’accompagnement composée de confrères spécialisés a été créée pour aider les cabinets à anticiper des difficultés économiques.

S’agissant de l’Incubateur du Barreau de Bordeaux, une communication fluide a pu être poursuivie en interne grâce aux outils de communications déjà existant (Slack, WhatsApp, visio-conférence) mais l’activité et les projets en cours ont toutefois été impactés notamment s’agissant des projets à l’international qui ont dû être reportés voire annulés notamment le sommet Afrique France qui devait avoir lieu à Bordeaux au mois de juin.

Une hotline étant à disposition des confrères sur le site internet de l’Incubateur pour répondre à leurs questions concernant par exemple le recours à la visio-conférence, il a été fait le choix de préparer l’après-confinement afin d’aider les confrères à tirer les leçons de cette crise et de les accompagner dans cette prise de conscience de la nécessité d’adapter leurs cabinet aux outils numériques.

Afin de poursuivre l’acculturation, des fiches pédagogiques ont été créées et largement diffusées (legaltech, blockchain, legal design..).

L’incubateur a poursuivi son travail sur la mise en place à la rentrée de workshops sur l’entreprenariat et l’innovation juridique afin de continuer à sensibiliser les confrères et les aider à se digitaliser.

Nous avons créé également un questionnaire que nous allons diffuser afin d’identifier les problèmes et difficultés rencontrés par les confrères pendant le confinement afin de pouvoir adapter les workshop mais également mettre en place des formations adaptées à leurs besoins et avec un coût financier maîtrisé.

Nous travaillons enfin sur le prochain prix de l’innovation qui aura lieu en novembre afin de récompenser des projets portés par des confrères que cela soit du barreau ou de barreaux extérieurs mais également pour permettre de découvrir et d’échanger avec des Legaltechs.

Nous espérons pouvoir à la rentrée de septembre nous réinvestir dans les projets d’échanges avec l’Union des avocats d’Afrique de l’Ouest mais également avec Montréal et Québec et mettre en place de nouveaux projets.

Cette crise sanitaire sans précédent a permis de prendre conscience de la nécessité de poursuivre la réflexion sur la digitalisation des cabinets d’avocats et de multiplier les initiatives et les projets afin de rester acteur et moteur de l’innovation et de l’évolution de notre belle profession.

 

QUEBEC

Me Louis Riverin Bâtonnier de Québec

Le système de justice québécois fonctionne depuis des décennies avec comme matière première, le papier et le témoignage des personnes en salle d’audience.

L’exception est l’utilisation des moyens technologiques pour les témoignages et les représentations devant les tribunaux, lesquelles se font oralement selon la tradition britannique, tant en matière civile que criminelle.

Il va sans dire que malgré la présence de précurseurs au sein de la magistrature et du Barreau, le système de justice québécois n’était pas prêt à faire face à la pandémie et à une période de confinement. Le ministère de la Justice avait débuté ses travaux pour la dématérialisation de la justice depuis moins de deux ans et l’horizon de cette transformation était alors de 2 à 5 ans.

La situation nous a fait basculer sur un horizon beaucoup plus court lequel se calcule en mois. L’État a suspendu par décret tous les délais de procédures et ceux de prescription, ce qui évite que tout justiciable ne perde ses droits. Seules les matières urgentes sont présentées devant les tribunaux (ordonnances de garde d’enfants, de soin en établissements, protection de la jeunesse, à titre d’exemple)

Au chapitre de la transformation, les membres du Barreau se sont rapidement adaptés au télétravail et de nouveaux outils font maintenant partie de l’arsenal de travail. Les plateformes de réunion sont installées et utilisées, tant pour les rencontres clients que les rencontres internes. De même, ces plateformes servent à la tenue d’auditions virtuelles, permettant aux plaideurs de faire les représentations devant les tribunaux. Les salles de cour sont adaptées : installations de caméras et micros pour permettre la tenue d’audition virtuelle. Certaines se tiennent avec des juges qui sont à leur résidence et qui utilisent leur ordinateur.

Pour l’ordre, les défis sont l’information, la formation et l’accompagnement des membres. Nous avons des comités qui s’activent en ce sens, tant auprès de la magistrature pour établir de nouvelles directives que des membres pour l’information et la formation. Un programme de mentorat est mis en place.

L’objectif de la reprise des travaux à un rythme « normal » pour que toutes les causes soient entendues est envisagé par l’utilisation des outils technologiques, mais tout comme Rome ne s’est pas bâtie en un jour, c’est un travail de longue haleine que nous entreprenons.

Nous avons bon espoir de passer au travers et c’est en partageant nos expériences diverses que nous réussirons.

 

GENEVE

Stéphanie Chuffart-Finsterwald, Avocate, Associée, sigma legal, Présidente de la Commission Innovations et Modernisation du Barreau de l’Ordre des avocats de Genève

Justice digitale et numérique – L’Ordre des avocats de Genève (ODAGE) est activement impliqué dans l’élaboration du projet national de numérisation de la justice, Justitia 4.0. L’ODAGE est également actif dans l’organisation d’un webinaire de formation relatif à la mise en œuvre de l’Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural édictée par le Conseil fédéral et instaurant des mesures en lien avec le coronavirus dans le domaine de la justice et du droit procédural. L’Ordonnance prévoit notamment que les audiences civiles peuvent être tenues par vidéoconférence lorsque les parties y consentent ou que de justes motifs le commandent, notamment en cas d’urgence.

Digitalisation de la profession – La Commission Innovations et Modernisation du Barreau (CIMBAR) de l’ODAGE organise de nombreux ateliers et séminaires relatifs à la digitalisation de la profession d’avocat. Des formations sur l’utilisation du cloud dans les études d’avocats, la signature électronique ou encore les registres distribués ont été organisés dernièrement. Plusieurs autres formations reprendront dès la rentrée de septembre 2020. La CIMBAR publie également fréquemment des articles scientifiques sur des sujets en lien avec la digitalisation de la profession d’avocat.

 

HAUTS-DE-SEINE

Yann Leclerc, Avocat au barreau des Hauts-de-Seine et Trésorier de l’Incubateur du barreau des Hauts-de-Seine

Créé en 2019, l’incubateur du Barreau des Hauts de Seine a organisé, sur une base mensuelle, les Matinales de l’avocat connecté consistant en une présentation aux Confrères du Barreau des solutions permettant d’optimiser le métier d’avocat tant en défense qu’en conseil. Ces Matinales sont également l’occasion pour l’incubateur de proposer aux Confrères des tarifs groupés pour des abonnements chez des éditeurs de logiciels.

L’incubateur a adhéré au Réseau National des Incubateurs de Barreaux afin de pouvoir échanger les bonnes pratiques et bénéficier des retours d’expérience en matière de digitalisation de la profession.

L’incubateur du Barreau des Hauts de Seine a animé des formations à l’Ecole des avocats de Versailles HEDAC, et aussi à Strasbourg lors des Universités d’hiver de l’ERAGE.

L’incubateur recherche des partenariats avec la Chambre de Commerce et d’Industrie des Hauts de Seine mais également avec l’Université du grand Ouest à Nanterre Paris 10.

L’incubateur du Barreau des Hauts de Seine est heureux de son partenarit avec the European Incubator à Bruxelles.

 

SIENNE

Avv. Lucia Fabbri, Barreau de Sienne

En qualité de déléguée du Barreau de Sienne j’ai eu le plaisir d’intervenir à la rencontre organisée par l’Incubateur Européen du Barreau de Bruxelles le 10 juin dernier. Je peux résumer le contenu de mon intervention comme suit:

En Italie il y a eu un ralentissement évident de la justice. Un des problèmes mis en évidence par la task-force chargée par notre gouvernement de mettre en place des solutions urgentes, est que l’Italie souffre à cause de la longueur de la justice civile.

A partir de l’état d’urgence, le problème est devenu plus grave et on a assisté à l’établissement de plus de 200 protocoles pour l’organisation de la justice, chaque Tribunal a établi un protocole différent (et souvent même, chaque section dans le Tribunal), ceci étant dû au fait que chaque tribunal a des caractéristiques différentes, mais cela a rendu très difficile d’y opérer.

Les chancelleries ont travaillé en smart working, mais le problème c’est qu’en Italie avec la dématérialisation du procès civil, on n’a pas permis une connexion internet a la chancellerie qui travaille en intranet. Donc le smart working pour un Tribunal n’est pas facile.

Tous les termes ont été suspendus.

A Sienne on a organisé la première assemblée télématique en ligne. Bonne participation mais les avocats ont mis en évidence retards et problèmes.

En général la principale association d’avocats italiens (UNIONE NAZIONALE CAMERE PENALI E UNIONE NAZIONALE CAMERE CIVILI) refuse de travailler en ligne et de faire les audiences en ligne. Ils veulent retourner plaider physiquement au tribunal.

A Sienne, le Président du Tribunal (en considérant que l’édifice est dans le centre historique et qu’il n’y a pas la possibilité de suivre un protocole de sécurité) a organisé les audiences avec échange de mémoires écrits.

Beaucoup de Tribunaux ont organisé audiences en ligne à travers Microsoft Teams.

Pour la formation Sienne a organisé des événements et un atelier en ligne mais c’est évident que la formation en ligne n’a pas la même efficacité.

En ce moment notre Caisse de prévoyance a institué une contribution (de €300 à € 1500) pour rembourser les 50% des dépenses faites pour renouveler les ordinateurs et tout ce qui peut être utilisé comme système informatique et pour la digitalisation du bureau.

La Caisse a aussi payé une contribution de € 600,00 en Mars et € 600,00 en Avril aux avocats qui avaient un certain revenu en 2019 (moins de €50.000).

La Chambre de commerce de Sienne a établi contribution pour un maximum de €7000,00 pour la digitalisation des entreprises (et pour améliorer l’e-commerce).

 

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